Comparaison n’est pas raison »
Vouloir établir une comparaison entre le traitement ostéopathique d’une femme et d’un homme ne donne pas le droit d’établir des règles. Mais tout de même, contrairement aux idées reçues les hommes sont sensibles, ils ont peur de la maladie et trouvent que les petits maux de dos ne sont pas dignes de leurs corps de héros grecs, ils sont taillés pour la tragédie pas pour le lumbago. Dans la salle d’attente déjà ils en rajoutent un peu, se tordent, se lèvent, se rassoient, vingt fois s’excusent. A ce moment, il s’agit alors de ne pas rater son entrée et tout de suite le rassurer, lui montrer que l’on connaît et reconnaît sa douleur dans sa singularité comme personne.
Début du deuxième acte : palpation, les mains travaillent se posent sur le sacrum, accrochent les lombaires, poussent sur les dorsales, ressenti comme un massage, l’homme se relâche… Il s’abandonne presque, cependant pas suffisamment pour utiliser une technique de «soft tissus « (manœuvres douces rythmées sur les muscles). Il est préférable d’utiliser une technique structurelle plus précise, la vertèbre ou les segments osseux ayant perdu leur mobilité seront manipulés entre deux leviers, plus réflexe, la rapidité du geste permet un relâchement immédiat du spasme musculaire, plus intelligible, ainsi le patient conçoit mieux le geste thérapeutique et son corps réagit favorablement à la correction, chez l’homme plus sceptique que la femme c’est la règle. Chercher et traiter la lésion ostéopathique est le principe élémentaire de l’ostéopathie, mais encore faut-il créer les conditions pour y parvenir, malgré les réticences le plus souvent inconscientes du patient.
Ces occurrences nécessaires pour le traitement ostéopathique ne sont pas une question de genre, elles relèvent d’un dosage subtil entre connaissances scientifiques, expérience et savoir faire pour établir la confiance du patient envers son thérapeute.
L’homme se redresse lentement, marche, teste son dos, se penche, il va mieux. Autre caractéristique : il n’en dira rien par superstition, par pudeur, parce que sa douleur n’a jamais existé ayant disparu, nous, on reste humble, on lui prodigue des conseils de prudence qu’il écoute à peine, il est déjà ailleurs tourné vers d’autres empires. ..
Le récit de cette rencontre entre un ostéopathe et son patient aussi caricatural soit-il, contient un peu de vérité ; l’homme n’a pas la même expérience de la douleur que la femme. Il n’a pas à l’apprivoiser comme elle doit le faire, en effet à peine jeune fille sa mère lui dit tous les mois « tu as mal ! Ne t’inquiète pas c’est normal ». Lui il est encore à se frotter les genoux en pleurant, pas de chance pour la maturité . Pour rattraper cette inégalité devant la souffrance, l’homme développe ce que l’on pourrait appeler « la stratégie du pire « si douleur il y a, elle ne peut être que grave et profonde. En conséquence de quoi, combiner aux représentations sociales qui lui intiment l’ordre de rester stoïque, il va toujours différer la consultation et attendre le dernier moment pour se soigner. Par opposition la femme consultera plus facilement voir préventivement; ceci peut expliquer qu’un plus grand nombre de femmes nous consultent.
Donc, la plupart de nos patients sont des patientes, pour être juste la femme consulte avant, l’homme après, c’est à dire une fois les symptômes franchement installés. II en découle une manière différente de traiter, on ne manipule pas de la même façon un homme et une femme. Plus que la technique employée, c’est l’intention de la correction et à quelle structure elle s’adresse qui diffèrent, puisque il s’agit de redonner de la mobilité à une articulation souple (femme) ou à une articulation plus rigide (homme) : à squelette différent, projet différent. Les moyens utilisés s’adapteront à ces contingences . Mais tout commencera de la même façon : dans la salle d’attente, une première impression de calme se dégage de cette femme qui vient consulter, elle est assise tranquillement, semble ne pas souffrir, elle se lève sans difficulté, mais le haut du corps ne suit pas, la nuque et les épaules ne font plus qu’un. Si cette région du corps est la plus souvent atteinte chez la femme alors que chez l’homme la fragilité se situe plus fréquemment au bas du dos, ce sont pour des raisons identiques de faiblesses musculaires par rapport aux efforts demandés . Les muscles du cou moins toniques chez la femme supportent moins bien les contraintes biomécaniques du poids de la tête.
Pour l’homme, la région lombaire est le centre de gravité (L3, nombril) au sens mécanique et sans doute aussi symbolique ; peut-être est-ce une conscience séculaire qui tend à protéger les organes de reproduction et de fait sollicitant plus le bas du dos, ou au contraire se sentir invulnérable : Il mobilise les muscles de la région qui ne seront jamais assez forts pour supporter les charges qu’il rêverait de soulever…
La deuxième impression ne contredit pas la première, pas de panique chez cette femme, pas besoin de la rassurer outre mesure, mais il faut la soulager du poids de sa tête et lui rendre sa mobilité. Comment ? Ses tissus subissent une imprégnation hormonale rendant plus souple ses articulations. Inutile d’utiliser une manipulation structurelle avec trust, la technique « myotensive de Mitchel « répondra parfaitement à la nécessité de renforcer ses muscles défaillant tout en redonnant de la mobilité à son rachis cervical. La séance commence, les mains se placent naturellement sur la nuque les doigts repèrent l’étage à travailler ; participation du sujet par une contraction douce et rythmée des muscles responsables de la lésion, le relâchement suit. La patiente se lève visiblement soulagée elle prend le temps de bouger lentement sa tête et demande la date du prochain rendez-vous, par souci de prévention ou l’intuition de la nécessité d’une séance supplémentaire.
Deux comportements face à la douleur, deux façons de réagir au traitement ostéopathique, des techniques de correction différentes. L’homme et la femme serait- ils si différents pour justifier l’existence de deux ostéopathies. Rien n’est moins sûr étant donné la porosité des caractères masculins féminins : tout au long de sa vie, l’être humain passe par différentes étapes marquées par des bouleversements hormonaux liés à la puberté, à la ménopause, et à l’andropause.
Si différents soient-ils l’homme et la femme se retrouveront dans notre salle d’attente pour être rassurés et soulagés dans l’ordre ou dans le désordre en fonction du moment. Sur le plan physiologique ou par nécessité sociale, la femme se virilise et l’homme se féminise en vieillissant, le soin sera donc adapté en fonction de l’âge plus encore que du sexe.