Nos patients éprouvent le besoin de parler, ils recherchent un interlocuteur pour les écouter, rien de plus normal, humain en diable. Mais derrière cette apparente simplicité se cache souvent des pièges dans lesquels le praticien non averti peut tomber .
Il y a l’écoute du corps, partie muette de l’examen ne demandant que des mains expertes et qui peut se faire dans le silence : c’est la pierre angulaire du traitement. Alors que cette écoute va nourrir l’examen clinique, elle encouragera le patient à parler de son corps et de ses douleurs. Le patient peut alors commencer à parler de lui,nous allons apprendre du sujet quelque chose de plus intime, et il est important de tendre l’ oreille, car la relation singulière entre un patient et son thérapeute se noue dans cette écoute attentive.
La première difficulté est de se laisser emporter sur un terrain qui n’est pas le nôtre. Dans ce colloque unique entre patient et ostéopathe, l’ambiguité réside dans la demande implicite du patient que nous nous occupions d’autre chose que de la souffrance de son corps , que nous l’aidions dans ses difficultés psychique .
Pour éviter cet écueil, car nous ne sommes pas du tout formés à répondre à cette demande, nous pouvons analyser la parole recueillie de la manière la plus simple : que me dit cet homme, cette femme? Quel rapport avec son motif de consultation? Où veut-il ,plus ou moins consciemment , me conduire? Si les réponses à nos interrogations sortent du champ de la consultation ostéopathique restons très prudents et ramenons le sujet dans le cadre défini par notre pratique .
La chose est toutefois complexe, car l’ostéopathe n’est pas seulement un hyper-technicien du corps, il se doit d’entretenir une relation humaine de qualité. S’il est vrai qu’elle commence par une écoute empathique du sujet afin d’ instaurer un climat de confiance et de recueillir des informations susceptibles de nous aider dans le traitement , il convient de se garder de toute interprétation à caractère psychologique. C’est- à- dire qu’il faut s’abstenir de commenter à tort et à travers ce que l’on perçoit de son patient à travers les mots qu’il nous livre, mais par contre » faire passer « ce ressenti dans nos mains , et avoir l’intuition du geste juste qui va réconforter . L’ostéopathe ne doit pas traduire en mots ce qu’il ressent de la présence du patient car toute interprétation « sauvage »
peut être vécue comme très inopportune,voire violente.
Un patient attend d’un ostéopathe une prise en charge pour aller mieux sur le plan physique . Certes le traitement tiendra compte de la globalité de la personne, de son mode de vie, de sa façon de travailler, de sa posture etc .Mais cette indispensable prise en charge globale du sujet ne veut pas dire intervenir dans un domaine de la psyché car nous n’avons ni qualification , ni vocation à le faire.
La parole recueillie au cours d’une séance est à écouter avec prudence , en respectant le temps subjectif du patient. Elle est souvent prononcée dans un état émotionnel exacerbé par la douleur et la tentation est grande d’en faire un peu trop de se laisser emporter.En voulant trop bien faire , on court le risque de mêler ses propres craintes à celles du patient.
On ne comprendrait pas qu’un psychanalyste manipule les vertèbres, les viscères ou le crâne de son patient -et il est statistiquement tellement peu probable qu’il le fasse que nous n’avons pas à nous en soucier. Un ostéopathe n’a pas davantage à se permettre des interprétations fumeuses sur le rôle du père ou de la mère dans des douleurs du genou droit ou de la cheville gauche ! Il n’a pas non plus à livrer des interprétations plus subtiles , qui relèvent du cadre d’une prise en charge psychologique ou d’une cure analytique.Le patient n’y comprendrait sans doute rien et cela pourrait être dangereux pour lui.La probabilité que cela se produise étant malheureusement plus fréquente que dans le premier cas , il faut demeurer vigilant et s’ en préoccuper .
L’interaction entre le corps et l’esprit existe, elle ne fait plus peur à personne même si le savoir médical s’ accommode plus ou moins bien de cette réalité de peur de laisser échapper son pouvoir .Les collaborations entre médecins et psychanalystes ou autres « thérapeutes de l’âme « ne sont pas si nombreuses. Quand aux alliances thérapeutiques entre ostéopathes et psychanalystes , elles devraient se multiplier car nous travaillons au carrefour des états psychiques et somatiques . La prise en charge du patient ne s’en trouverait que mieux à condition que l’ostéopathe est suivie au minimum une formation théorique , et au mieux fait un travail personnel avec l’aide d’un tiers .
L’écoute est indispensable pour faire éclore la parole du patient dont on connait la valeur thérapeutique . Il est pertinent de mettre des mots sur les maux mais à chacun son domaine et ses compétences: cette parole née dans le cabinet de l’ostéopathe et écoutée avec bienveillance se révèle souvent insuffisante et passé le soulagement immédiat , un autre travail peut peut être s’enclencher autour d’une écoute analytique pratiqué par un homme de l’art pour peu que nous , ostéopathes nous ayons perçu cette demande , rien ne nous empêche de conseiller cette approche , voir de donner un contact utile si nous disposons d’un réseau.